L’employeur peut t’il modifier les congés du salarié ?


Le contrat de travail crée un lien de subordination juridique entre l’employeur et le salarié. Ce lien confère à l’employeur un pouvoir de direction, lui permettant d’organiser, de contrôler et de sanctionner l’exécution du travail. Toutefois, ce pouvoir n’est pas absolu : il s’exerce dans le respect des libertés fondamentales et des droits reconnus au salarié par la loi.
Parmi ces droits figure le droit à congés payés, consacré par le Code du travail. Ce droit, essentiel à la protection de la santé et au repos du salarié, est toutefois soumis à l’organisation du service et aux nécessités de l’entreprise, que l’employeur a la charge de gérer. Se pose alors la question suivante : dans quelle mesure l’employeur peut-il modifier les congés du salarié sans porter atteinte à ses droits fondamentaux, mais surtout à son droit légalement acquis à se reposer ?

Pour présenter une réponse la plus complète possible il convient d’abord d’analyser le fondement juridique du pouvoir de direction de l’employeur, issu du lien de subordination (I), avant d’examiner la portée de ce pouvoir lorsqu’il s’exerce sur la fixation et la modification des congés payés (II).

I. Le lien de subordination et les pouvoirs de direction de l’employeur

Il est de jurisprudence constante que l’employeur possède un pouvoir hiérarchique et que l’employé y est subordonné (A). De ce fait, il peut organiser le travail comme bon lui semble, mais cela ne lui donne pas tous les droits vis-a-vis de son employé (B).

A) Le lien de subordination issu du contrat de travail

Le contrat de travail repose sur la réalisation d’une prestation de travail au profit d’un employeur, moyennant rémunération, dans un lien de subordination juridique. Reconnu par la jurisprudence, ce lien se caractérise par « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements ».
Ce lien distingue le contrat de travail des autres formes de collaboration (comme le contrat d’entreprise ou de prestation de services) et fonde l’autorité hiérarchique de l’employeur. En acceptant le contrat, le salarié se soumet à cette autorité, qui permet à l’employeur d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise. Toutefois, ce pouvoir doit toujours s’exercer dans le respect de la dignité et des libertés du salarié.

B) Les pouvoirs de direction de l’employeur

Le pouvoir de direction constitue la principale conséquence du lien de subordination. Il permet à l’employeur de donner des instructions, de contrôler l’activité des salariés et de sanctionner leurs manquements. Ce pouvoir trouve son fondement dans plusieurs dispositions du Code du travail.

L’article L.1121-1 dispose que « nulle restriction ne peut être apportée aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives si elle n’est pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché ». Ce texte encadre donc l’exercice du pouvoir de direction. L’article L.1222-1 rappelle quant à lui que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, imposant à l’employeur d’agir loyalement dans l’organisation du travail. Ce pouvoir s’exprime concrètement à travers la possibilité d’établir un règlement intérieur (article L.1321-1) ou d’imposer des mesures de sécurité (article L.4121-1).
Ainsi, le pouvoir de direction permet à l’employeur d’adapter l’organisation de l’entreprise, mais il demeure limité par les droits fondamentaux des salariés et par les dispositions d’ordre public social.
Mais dans ce cas l’employeur peut t’il interférer dans le choix des congés de son salarié?

II. La modification des congés du salarié par l’employeur

Depuis 1936, les employés ont droit à des congés payés (A). Acquis au rythme de 2,5 jours par mois travaillé, ils constituent une contrepartie au travail, mais l’employeur a encore un droit de regard dessus (B).

A) Le droit à congés du salarié

Le droit à congés payés est un droit d’ordre public reconnu à tout salarié par l’article L.3141-1 du Code du travail. Ce droit vise à assurer le repos et la santé du travailleur, en lui garantissant une période de détente rémunérée. Le salarié acquiert en principe 2,5 jours ouvrables de congé par mois de travail effectif, soit 30 jours ouvrables par an.
Toutefois, si le salarié a le droit de prendre des congés, il ne dispose pas librement de leurs dates. En effet, la fixation des périodes de congés repose sur un équilibre entre les droits du salarié et les besoins de fonctionnement de l’entreprise. Ainsi, c’est en principe l’employeur qui détermine l’ordre et les dates de départ en congé, après consultation du salarié et des représentants du personnel, lorsque cela est prévu par la convention ou l’accord collectif applicable.

B) Le pouvoir de l’employeur à modifier les congés

Le pouvoir de l’employeur de modifier les dates de congés est strictement encadré par la loi. L’article L.3141-16 du Code du travail dispose :

« L’ordre et les dates de départ en congé peuvent être modifiés, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, en cas de circonstances exceptionnelles. »

Ainsi, l’employeur ne peut modifier les congés d’un salarié que lorsqu’il existe des circonstances exceptionnelles, telles qu’une situation économique imprévue, un besoin urgent de service ou un événement affectant le bon fonctionnement de l’entreprise. En dehors de ces cas, une telle modification constituerait un abus de pouvoir et pourrait être sanctionnée par le juge.
De plus, l’employeur doit respecter un délai de prévenance, en général d’un mois avant la date initialement prévue, sauf accord contraire. L’exercice de ce pouvoir doit se faire de bonne foi (article L.1222-1) et dans le respect du principe de proportionnalité posé par l’article L.1121-1.
En somme, le pouvoir de modifier les congés existe, mais il s’exerce dans un cadre juridique rigoureux garantissant la protection du salarié et la stabilité de ses droits.

Le pouvoir de direction de l’employeur, issu du lien de subordination, lui confère la faculté d’organiser le travail au sein de l’entreprise, y compris la gestion des congés. Cependant, ce pouvoir connaît d’importantes limites légales afin de préserver le droit au repos du salarié. L’article L.3141-16 du Code du travail illustre parfaitement cet équilibre : l’employeur peut modifier les congés, mais uniquement en cas de circonstances exceptionnelles et dans le respect du principe de bonne foi. Ainsi, le droit du travail cherche à concilier la nécessité d’adaptation de l’entreprise avec la protection des droits fondamentaux des travailleurs, cœur même de la relation de travail.


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