Accident après avoir grillé un feu rouge


Si vous êtes sur les réseaux, peut-être avez-vous vu cette vidéo de ce cycliste qui grille un feu rouge et se fait faucher, mais, comme les blés, par une voiture arrivant de droite. L’excès de vitesse de la voiture est flagrant, mais, pour sa défense, on est dans Paris, qui est entièrement limité à 30 km/h. Il devait être au plus à 50 ; malgré l’imprudence, il n’a pas non plus pulvérisé le cycliste.
J’avais participé à la discussion dans le thread et, de prime abord, j’avais cité les cases 16 et 17 du constat amiable :
16 : venait de droite (dans un carrefour)
17 : n’avait pas observé un signal de priorité ou un feu rouge
Ce qui de fait posait la responsabilité exclusive du cycliste. Le tout largement appuyé par de multiples extraits d’arrêts de la Cour de cassation :

MAIS ATTENDU QUE L’ARRÊT, PAR MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES […] CONFÉRANT LA PRIORITÉ DE DROITE AUX CONDUCTEURS QUI EMPRUNTENT CETTE SORTIE, QU’IL EN DÉDUIT À BON DROIT QUE GOFFAUX A COMMIS UNE FAUTE DE CONDUITE EN S’ENGAGEANT SANS PRÉCAUTION SUR L’AVENUE
ou
la Cour d’appel a pu déduire, à bon droit, au comportement de l’autre conducteur impliqué, que Mme X… avait commis une faute dont elle a ensuite souverainement retenu qu’elle devait exclure son droit à indemnisation ;

Sauf que, ça va devenir mon expression favorite, sauf que : tout ça, c’est entre deux conducteurs. Comme c’est écrit noir sur blanc.
Depuis 1985, la loi Badinter indemnise automatiquement les victimes d’accident de la route :
Article 3
Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subies, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. Lien vers la source

La faute inexcusable

Comment mieux cerner la faute inexcusable ?
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation propose un début de définition à la « faute inexcusable » :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 mars 2019, 18-14.125 18-15.855, Publié au bulletin

Vu l’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
Attendu que seule est inexcusable au sens de ce texte la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; Lien vers la source

Alors c’est plus détaillé, mais chacun de ses éléments semble rester quand même très compliqué à clairement être défini. Bref, je crois que je tiens là toute une série de vidéos que je pourrais intituler : à la recherche de la faute inexcusable. Il y a beaucoup trop de paramètres pour un jour arriver à la faute inexcusable. S’il doit y avoir une « probatio diabolica » dans le droit, ce serait plutôt ici.
Pour les non-juristes, la preuve diabolique, c’est en droit de la propriété, il a longtemps été admis que la preuve de la propriété était diabolique car presque impossible à établir, notamment dans le cadre de la prescription acquisitive, parce que juste le titre de propriété ne suffisait pas en fait, tu vois le truc, bref.
Donc après tous ces tracas juridiques, c’est quoi la solution ?

Il semblerait bien que, même si on qualifiait l’erreur du cycliste comme une faute inexcusable, ce qui est très loin d’être sûr, elle n’est de toute façon pas « la cause exclusive de l’accident » compte tenu de la vitesse de l’automobiliste.
Donc la loi Badinter de 1985 s’applique pleinement. Le cycliste sera indemnisé de ses dommages corporels.
Et c’est tout l’esprit de la loi Badinter, qui fait suite aux difficultés de fournir des preuves par les victimes d’accidents de la route pour engager la responsabilité des conducteurs, notamment face aux défenses judiciaires des assurances. Du coup, on ne demande plus de preuve, les victimes sont indemnisées automatiquement.
Solution pratique, mais n’y aura-t-il pas d’effets pervers, n’y en a-t-il pas déjà ?
C’est ce que nous verrons dans l’épopée de « À la recherche de la preuve inexcusable », et boum, tisage !
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Il semblerait bien que la loi Badinter n’ait fait que déplacer le problème. L’état de droit positif faisait qu’on n’arrivait à prouver la culpabilité ; aujourd’hui, on ne peut peut-être plus prouver son innocence.


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