Le youtubeur Stéphane Édouard menace de poursuivre en justice deux autres chaînes pour injure publique. Ils interviennent sur la Tronche en Biais, on va en commenter quelques passages.
Alors, cette vidéo est la situation parfaite, la quintessence de ma raison d’être sur YouTube. Faire du drama et donc des vues et donc du pognon ? Me demanderas-tu ?! Il y a des jours où j’aimerais bien, mais je suis maudit : je suis trop honnête pour faire du contenu de merde comme ça.
Ce sont des gens lambda qui se demandent comment et pourquoi la justice. Qui se disent, si jamais ça passait en l’état, ses poursuites judiciaires, ce serait injuste, des remarques de monsieur tout le monde qui ne connaît pas le droit. Et dans ce cas, c’est qui qu’on appelle ? (Moi bien sûr !)
Responsabilité pour les propos d’autrui
Sans plus attendre, on attaque directement avec un questionnement ô combien légitime.
Dans ce premier extrait (5’20), l’intervenant dit qu’il anime une radio libre et que c’est sur la base de propos de ses auditeurs qu’il est poursuivi.
Peut-on être condamné pour les propos d’autrui délivrés en direct ?
L’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, modifié par la LCEN, dispose que:
Tout service de communication au public par voie électronique est tenu d’avoir un directeur de la publication
Maintenant, je pense que nous sommes nombreux à nous demander si c’est valable pour tout le monde ou si cela ne concerne que les professionnels, typiquement : les organes de presse agréés employant des journalistes titulaires de la carte de presse.
Le tribunal correctionnel de Fontainebleau a eu à juger une affaire de diffamation sur Facebook de la part d’un particulier envers le maire de sa commune.
Il a été ordonné à Facebook Ireland LTD de communiquer les données susceptibles de permettre l’identification du titulaire du compte à l’origine de la création de la page Facebook litigieuse. Facebook fournit tous les éléments de la création de cette page, y compris un numéro de téléphone avec la mention téléphone vérifié.
Il résulte de ces éléments, qu’il est établi que M. Y. est à l’origine de la création de la page Facebook et à ce titre dispose de tous les éléments utiles à sa gestion et notamment les publications qui y figurent. Par conséquent, il y a lieu de le considérer comme directeur de publication
Donc, il semblerait que cela vaille aussi pour les particuliers qui éditent du contenu.
Seulement, il ressort de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 que:
Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public.
A fait l’objet d’une fixation préalable.
D’un enregistrement ou d’une impression et le directeur de la publication à qui incombe la charge et la responsabilité de vérifier la légalité des contenus, doit empêcher la publication de contenu litigieux.
Or, dans le cas de notre ami et de sa libre antenne, il n’y a pas de fixation préalable.
Il ne devrait pas y avoir de problème donc pour cet aspect, même si c’est problématique sur d’autres points.
Excuse de provocation
Dans cet extrait (5’51), l’intervenant déclare qu’il réagissait à des propos tenus par Stéphane Édouard qui étaient tellement outranciers que les injures qui ont pu lui échapper ne sont finalement pas si graves que ça.
Là, il veut nous dire qu’étant donné qu’ils critiquent quelque chose de malsain, ce n’est pas très grave le vocabulaire qu’ils utilisent.
En droit, il existe quelque chose qu’on appelle « les faits justificatifs » et qui permettent de lever ta responsabilité en cas de commission d’infraction.
Dans le cas qui nous intéresse, l’injure, le droit reconnaît un fait justificatif au délit d’injure publique, c’est « l’excuse de provocation ». Qui veut très bien dire ce que ça veut dire, dans une situation où le mec a été poussé à bout, provoqué, si il lâche une injure, ça peut se justifier.
Sauf que comme la légitime défense, le fait justificatif doit correspondre à des critères très stricts confirmés par la jurisprudence, à savoir, doit être une riposte immédiate et irréfléchie à une provocation.
Après, je n’ai pas regardé cette émission et je n’ai pas l’intention de le faire, j’ai déjà passé beaucoup trop de temps sur cette histoire, je ne peux pas te dire si éventuellement ça rentre dans le cadre ou pas.
Gravité des faits
Dans le troisième extrait, c’est Thomas Durant qui parle et déclare que ces invités ont « juste dit con et merde » sur un ton désinvolte et s’étonne de pouvoir être poursuivi pour ça.
Ce passage-là, je l’ai commenté sous leur vidéo, je ne pense pas qu’ils le verront, mais c’est juste pour dire que je ne prends personne en traître.
Ce passage est problématique juridiquement mais aussi un tout petit peu « déontologiquement », j’ai envie de dire. Parce que même si j’ai ouvert cette vidéo en disant que c’est une scène typique d’un groupe de gens lambda qui s’interroge sur le droit, il n’en reste pas moins que Thomas, lui, se dit zététicien, que je traduis moi par technicien de la rhétorique. Et pour être totalement honnête avec vous tous, de ce que j’en ai vu jusqu’à maintenant, c’est un peu…
Alors, vu que je reproche à Thomas son manque de retenue sur ce coup-là, je vais choisir mes mots et je dirais : c’est un peu du sophisme ce truc-là pour moi. De ce que j’en ai vu pour le moment, après, encore une fois, j’ai pas que ça à faire de ma vie… Bref !
Et qu’à ce titre il ne devrait pas se permettre ce genre de commentaire très mis en scène : « attention je vais dire des mots ». Pourquoi ? Bah parce que, même si on peut le penser de bonne foi, c’est fait pour rendre volontairement ridicules les injures utilisées.
Sauf que, comme ce que j’ai dit dans le commentaire, y a une autre affaire, le mec comprenait pas qu’il comparaisse pour violence, il disait : « je lui ai juste foutu une baffe ». Tu vois ? Là pour moi on est au même niveau. Je pourrais utiliser un autre exemple beaucoup plus outrancier et polémique, mais ça risque d’occulter toute la vidéo pour faire un drama dessus, donc je le fais pas, mais je suis sûr que tu peux le deviner.
L’injure est clairement définie comme « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».
Après dans les faits ça a beau être « juste » merde, ou « juste » con, c’est répréhensible, et Stéphane Édouard compte faire valoir ses droits. Point. Et je ne suis vraiment pas sûr qu’il soit en tort sur ce coup-là.