La période suivant un congé de maternité bénéficie d’une protection légale essentielle pour les salariées en France. Récemment, une affaire rappelé les implications de cette protection. La Cour de cassation a été appelée à se prononcer sur la légalité d’un licenciement survenu durant cette période sensible. Retour sur cette décision qui rappelle les limites des droits des employeurs et renforce les garanties accordées aux salariées.
I) Contexte et Décision de la Cour d’Appel
1.1 Le Contexte du Litige
Le 29 novembre 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision importante concernant les droits des salariées en période de protection après un congé de maternité. Mme Unetelle, embauchée en 2013 par la société Enterprize.inc en tant que chef de projet internet et devenue responsable marketing, a vu son contrat de travail suspendu pour congé maternité du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018. À son retour, l’employeur l’a convoquée à un entretien préalable de licenciement le 16 janvier 2018, alors qu’elle était encore sous protection légale.
La période de protection légale suivant un congé de maternité interdit à l’employeur de prendre des mesures préparatoires au licenciement. Cependant, malgré cette interdiction, Entreprize.inc a enclenché la procédure de licenciement avant la fin de cette période. Mme Unetelle a accepté un contrat de sécurisation professionnelle le 1er mai 2018. Elle a contesté la légalité de son licenciement devant la cour d’appel de Paris, qui a rejeté ses demandes en mars 2022.
1.2 La Décision de la Cour d’Appel
La cour d’appel de Paris a jugé que la société Enterprize.inc n’avait pas violé la période de protection en convoquant Mme Unetelle à un entretien préalable avant la fin de cette période. La cour a estimé que les actes préparatoires, bien que pris pendant la période de protection, n’étaient pas suffisants pour invalider le licenciement. De ce fait, Mme Unetelle a été déboutée de ses demandes de nullité du licenciement et de réintégration.
Mais la cour d’appel a condamné la société à verser à Mme Unetelle des sommes dues au titre de rappels de rémunération variable pour les années 2017 et 2018, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Mme Unetelle se pourvoi en cassation.
II) Analyse de la Cour de Cassation et Implications
2.1 L’Analyse de la Cour de Cassation
La Cour de cassation, dans son arrêt du 29 novembre 2023, a cassé partiellement la décision de la cour d’appel de Paris. La haute juridiction a considéré que l’employeur avait enfreint l’article L. 1225-4 du code du travail en prenant des mesures préparatoires au licenciement pendant la période de protection de Mme Unetelle.
Cette disposition est également soutenue par la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, qui concerne la mise en œuvre de mesures visant à améliorer la sécurité et la santé au travail des salariées enceintes, accouchées ou allaitantes. En outre, la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, qui concerne la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, renforce ces protections.
La Cour a souligné que cette période de protection, instaurée pour protéger les salariées de toute discrimination liée à la maternité, interdit formellement toute action préparatoire au licenciement, y compris l’envoi d’une convocation à un entretien préalable.
La Cour de cassation a ainsi jugé que la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. En ne reconnaissant pas que l’employeur avait engagé la procédure de licenciement pendant la période de protection, la cour d’appel avait violé le texte applicable. La Cour de cassation a donc cassé l’arrêt de la cour d’appel, sauf sur les points relatifs aux rappels de rémunération et à l’indemnité de l’article 700.
2.2 Les Implications de l’Arrêt
Cet arrêt de la Cour de cassation a des implications significatives pour les employeurs et les salariées en période de protection post-maternité. Il réaffirme l’importance de respecter strictement les périodes de protection et interdit toute forme de préparation au licenciement pendant ces périodes. Les employeurs doivent être particulièrement vigilants et s’assurer qu’aucune mesure préparatoire ne soit prise tant que la protection est en vigueur, sous peine de voir le licenciement annulé.
Pour les salariées, cet arrêt, publiée au bulletin, confirme leurs droits et offre une protection contre les pratiques discriminatoires en lien avec la maternité.
Source:
Arrêt de cassation: https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048550340?init=true&page=1&query=22-15794&searchField=ALL&tab_selection=all
Article 1225-4 du CT: https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033022611/