Petit récapitulatif
Le 3 août 2018, entre en vigueur la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, dite loi Schiappa. Celle-là même que certains disaient qu’elle ne servait à rien !
C’était aussi le point de vue des acteurs de la protection de l’enfance. La loi laissait en plan un problème de taille : celui du consentement du mineur. Mais aussi, ses dispositions ne visaient que les mineurs de moins de treize ans, créant ainsi un vide juridique concernant ceux de 15 ans.
On ne refera pas les principes du droit pénal, même pour la protection de l’enfance. Le viol est caractérisé lorsque qu’il n’y a pas de consentement à l’acte sexuel, dont les éléments constitutifs sont : la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Si ces éléments sont manquants, l’auteur n’est donc pas coupable.
Les scandales de 2017
C’est ce qui a permis en 2017 à Pontoise, où le parquet avait, dans un premier temps, décidé de ne pas retenir la qualification pénale de viol alors qu’une fillette de douze ans avait effectué une fellation à un adulte de vingt-huit ans.
Le parquet, hein ! La magistrature debout comme on dit. Donc ceux qui sont en charge de l’accusation ! Ils n’ont pas retenu la qualification de viol.
Ou en novembre 2017, avec l’acquittement, en première instance, par la cour d’assises de Seine-et-Marne d’un homme accusé d’avoir violé une fillette de onze ans.
Là aussi, précisons, pour ne pas jeter l’opprobre sur les magistrats, la cour d’assises, donc celle où il y a des jurés, des gens comme toi et moi.
Alors, petit aparté :
En 2012, on fait retirer le mot « mademoiselle » des formulaires administratifs, et par conséquent de tous les documents officiels. Tu me demanderas peut-être : c’est quoi le rapport ? Et bien, c’est ce qui a permis, dans la décision de première instance de novembre 2017, de lire cette phrase fabuleuse, que je cite de mémoire, parce que je ne retrouve pas le document, mais je m’en souviendrai toute ma vie… malheureusement. Ça tenait à peu près ce langage : « il n’a pas été démontré l’absence de consentement de cette femme de 11 ans ».
On attend avec impatience la loi qui va interdire de citer l’âge des parties à un procès, pour protection des données personnelles bien sûr, et la boucle sera bouclée.
La nouvelle loi
Donc, la loi Schiappa n’a pas réglé le problème fondamental lié à ces affaires. C’est pourquoi, le 26 novembre 2020, est déposée une proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels.
Promulguée le 21 avril 2021, qu’apporte cette loi ?
Dans le Code pénal, Livre II : Des crimes et délits contre les personnes (Articles 211-1 à 227-33), la loi modifie la définition du viol de l’article 222-23 pour y ajouter les actes bucco-génitaux.
Elle crée aussi l’article 222-23-1 qui dispose :
« Hors le cas prévu à l’article 222-23, […] constitue également un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans ».
Donc, là c’est d’ équerre, y a pas de surprise (justement), ou de ceci ou de cela : constitue également un viol tout acte de pénétration… commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans. POINT !
Enfin, pas tout à fait point, car les plus perspicaces d’entre vous auront vu aussi :
« commis sur l’auteur par le mineur ».
Et il y en a aussi d’autres qui vont se forcer à rien comprendre, pendant que d’autres s’offusqueront : « commis sur l’auteur » ? Mais comment l’auteur se fait commettre ? C’est pas logique ! C’est un nouveau concept de droit : la commission passive!
Ça commence à ressembler à un sketch, mon histoire, mais c’est parce que dans la vie, il y en a qui ont eu ce type de raisonnement et on en reparlera. Je ne fais cette vidéo que pour pouvoir en faire une autre racontant ce cas précis.
Ensuite,
La loi crée aussi l’article Article 222-23-3 :
« Les viols définis aux articles 222-23-1 et 222-23-2 sont punis de vingt ans de réclusion criminelle ».
Donc la réponse pénale est augmentée.
On passe de 15 à 20 ans.
Après, c’est comme toutes les peines, ce sont des maximums, reste à voir comment les juges vont appliquer ces règles.
Dans un document statistique « info stat » du ministère de la justice sur le sujet, on peut trouver ces graphiques.
Le premier, dans lequel on remarque que les condamnés pour viol sur mineur sont à environ 45 % eux-mêmes des mineurs. Là, il est flagrant que, même si c’est un dossier sur lequel il fallait avancer, il y a encore l’autre moitié du problème à gérer.
Par la suite, dans le second (fig 5), on remarquera que pour les condamnés pour viol qui sont mineurs, une moyenne de 726 condamnés, une moyenne de 7,2 % de peine de prison ferme de plus de 5 ans.
305 + 1169 + 671 + 559 + 926 = 3660/5 = 726
2 + 1 + 3 + 30(%) = 36 %/5 = 7.2 %
Pour les condamnés majeurs, on a :
2027 + 2928 + 2435 + 1402 + 267 = 9059/5 = 1812
78 + 88 + 90 + 88 + 83 = 427/5 = 85
Une moyenne de 85 % sur les 1812 cas de moyenne qui ont de la prison ferme de plus de 5 ans. Ce qui nous emmène au quantum en mois d’emprisonnement ferme pour viol sur mineur, il est de 12 mois en moyenne. Donc minable, n’ayons pas peur des mots.
Mais ! Il faut mettre ça en exergue sur la répartition de la peine en fonction de l’âge du condamné. Donc que les peines des condamnés mineurs font baisser la moyenne.
Mais, si on regarde que les condamnés majeurs, on voit que seul 2 % des peines prononcées sont au maximum et encore, surtout quand il y a plusieurs circonstances aggravantes en état de récidive.
Dans les cas les plus graves, une moyenne de 12 ans est prononcée.
Donc voilà, toujours grossièrement, je ne me prétends pas statisticien, l’état des choses, la présomption de non-consentement dès lors que la victime a 15 ans et moins. C’est cool, augmenter la peine à 20 ans dans ce cas, c’est normal, mais quelle en sera l’application faite aux vues des chiffres que l’on possède déjà ? That is the question.